Tribunes

Mesurer les RP, pourquoi s’avouer vaincu ?

Publié le 01/06/2023

YouTube, Instagram, audiences TV, ou encore nombres de vues sur un post LinkedIn, l’impact de tout contenu est mesurable. Tout semble quantifiable et qualifiable, sauf les retombées presse.

Le jeudi 30 mars dernier, l'Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à lutter contre les arnaques et les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Soit 13 ans après la création d’Instagram. Doit-on choisir la date de la loi sur la liberté de la presse ou celle de l’invention de l’imprimerie pour considérer la naissance des RP ? Nous pourrions même remonter aux bouches-à-oreille, qui restent encore aujourd’hui la forme d’influence la plus convaincante. Cette démarche de régulation par les députés semble donner le départ d’une course à la qualité. Pourquoi cette recherche d’authenticité ne se propage-t-elle pas aux RP ? Une industrie comme la nôtre peut-elle continuer à avancer sans définir un standard dans son modèle de mesure ?

Quel média offre le plus de visibilité ?

Sur Instagram, c’est annuellement la course à la photo la plus likée : se sont succédé le mariage d'Ariana Grande, la partie d’échecs made by Vuitton, et dernièrement la photo de Messi ce brandissant la coupe du monde. Concernant la TV, Médiamétrie publie les meilleures audiences de l’année écoulée quand toutes les radios clament être numéro une chaque trimestre.

De ce fait, pourquoi ne pas connaître l’article le plus lu de l’année ?
Un classement uniquement basé sur la visibilité et non sur le contenu des publications. N’oublions pas que la photo la plus likée d’IG a longuement été…un œuf. Le storytelling et l’emballement médiatique sont donc parfois bien plus puissants que le contenu lui-même. Et c’est exactement ce que nous recherchons dans l’obtention d’une retombée dans tel ou tel média.

L’équivalence publicitaire : une très fausse bonne idée

Imagine-t-on comparer une émission telle que Cash Investigation ou Zone Interdite à la publicité qui précède la diffusion de ces programmes ? Quelle pertinence à comparer un contenu court, produit, payé et diffusé à un timing bien précis pour s’adresser à un public bien délimité - dans le cadre d’un plan de médiatisation plus large et tout aussi détaillé – à un sujet dont le contenu n’est pas tout à fait maîtrisé, traité avec un regard extérieur et distancié ?
Pourtant c’est exactement ce que nous faisons quand des organismes de veille médias nous transmettent ces équivalences. Alors que nous devrions refuser à nos clients de leur transmettre ces équivalences, en leur expliquant les raisons, nous nous rendons coupables de jouer le jeu.

Le stress de la slide des KPIS

Pourquoi l’agence qui promet le plus grand nombre de retombées est souvent celle qui remporte la compétition ? Le client attend-il vraiment un nombre pharaonique de retombées qu’importe leur état ? Le flou sur la mesure de l’efficacité des RP est entretenu par les annonceurs, prestataires, partenaires, freelances et mêmes agences. Nous avons tous observé des clients revenir vers l’agence perdante car celle qui avait gagné la prospection n’avait pas atteint les KPIS promis. C’est une perte de temps pour tout le monde et surtout, un cercle vicieux qui déprécie la qualité du travail effectué au quotidien par tous.

Arrêtons avec les bilans qui revendiquent 140 000 000 contacts touchés

Pour le mois de février 2023, acpm.com mesure que 20minutes.fr comptabilise 16 000 000 de visites. Ces 16M ne sont pas uniques mais peuvent être cumulées par un groupe restreint de personnes. Si nous unifions le site et le site mobile nous sommes à 61 000 000 de visites. Qui peut parler de rationalité ? Comment estimer si un article obtenu dans le cadre d’une stratégie de RP sur le site de 20 Minutes aura été bénéfique ou aura servi la visibilité de la marque ? Qui peut supposer que les 61 000 000 de visites concerne bien notre article ?

Nous devrions demander à nos prospects quelles sont leurs trois retombées idéales. Souvent l’une d’entre elle est impossible à obtenir (la une des Échos sans aucun chiffre), la deuxième est plutôt atteignable (une reprise dans Le Parisien pour une actualité bon plan), et enfin la dernière est totalement décorrélée de la stratégie de la marque (un article dans le Huffpost.fr qui se compose à 60% d'un lectorat entre 25 et 34 ans très citadin alors que le client propose des quads électriques). Il est important de construire sa stratégie de RP non pas en estimant le nombre de retombées souhaitées, mais en déterminant les médias dans lesquels nous voulons nous positionner. Et surtout, quelles histoires doivent-elles raconter ?

Il faut déterminer des KPIS à la hauteur des ambitions de nos clients ou en adéquation avec leur « potentiel RP ». C’est à nous de mesurer cela, sinon pourquoi faire appel à des agences de conseil ?

La démarche de standardisation d’une référence de mesure en va de la survie et de la crédibilité de nos métiers. C’est une prise de conscience qui doit être collective et qui doit être acceptée par l’ensemble des professionnels.

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